Histoire. Le Temps des Croisades
Le temps des croisades (1095 - 1270)
La Première Croisade est la seule victoire militaire des Chrétiens. Celle-ci a donné lieu à de nombreux récits de l'idéal du chevalier chrétien (Godefroi de Bouillon), mais aussi à la création des Etats Latins d'Orient et des ordres de chevalerie (Templiers, Hospitaliers).
La Première Croisade
En ce jour de novembre 1095, malgré le froid et la neige tombée sur la montagne entourant Clermont, capitale de l’Auvergne, une grande foule s’était rassemblée pour la venue du pape Urbain II. Quand celui-ci prit la parole du haut d’une simple tribune en bois, il se fit un grand silence. Tout le monde devinait que le pape allait parler des nouvelles qui s’étaient répandues dans toute l’Europe à propos de la Terre Sainte. Et ces nouvelles étaient désastreuses pour la chrétienté.
Un croisé en prière
Libres de toute attache, les pauvres répondent à l’appel de la croisade avec plus de ferveur que les autres classes sociales. Sensibles aux récompenses célestes promises, ils cousent sur leurs vêtements une croix en tissu, d’où leur nom de ” croisés ” qui leur sera attribué.
Les enjeux. L’appel du pape
Urbain s’adressa à la foule en français : « Ô peuple des Francs ! Peuple aimé et élu de Dieu ! De Jérusalem et de Constantinople s’est répandue la grave nouvelle qu’une race maudite, totalement étrangère à Dieu, a envahi les terres chrétiennes, les dépeuplant par le fer et le feu. Les envahisseurs ont fait des prisonniers : ils en prennent une partie comme esclaves sur leurs terres, les autres sont mis à mort après de cruelles tortures. Ils ont détruits les autels après les avoir profanés. Cessez de vous haïr ! Mettez fin à vos querelles Prenez le chemin du Saint Sépulcre, arrachez cette terre à une race maligne, soumettez-là ! Jérusalem est une terre fertile, un paradis de délices. Cette cité royale, au centre de la terre, vous implore de venir à son aide. Partez promptement, et vous obtiendrez le pardon de vos fautes ! Souvenez-vous aussi que vous recevrez pour cela des honneurs et la gloire éternelle au royaume des cieux. » Un frémissement, des murmures, des cris d’indignation étouffés parcoururent alors la foule. Un célèbre moine prédicateur qui participait au concile de Clermont, Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite, poussa ce cri : « Dieu le veut ! ». La foule le reprit comme un grondement de tonnerre : « Dieu le veut ! ». C’est ainsi que commença la Première Croisade.
Des raisons politiques et économiques
L’avancée des Turcs menaçait directement l’empire byzantin qui, durant sept siècles, avait constitué le rempart contre lequel s’était brisée l’expansion islamique à l’est du continent européen. Dans les visées de certains souverains occidentaux, les croisades devaient permettre de venir en aide aux Byzantins, mais aussi d’établir, pour leur propre compte, des enclaves « latines », ou catholiques, en Terre Sainte. Cet objectif était notamment soutenu par les républiques maritimes italiennes : les Turcs, en effet, avaient coupé les routes du grand commerce avec l’Orient. Des ports et comptoirs sous domination chrétienne permettraient de rouvrir ces routes, pour le grand profit des commerçants génois ou vénitiens. Le projet d’expéditions en Orient excitait aussi l’imagination de centaines de chevaliers et de barons désargentés et sans fiefs, de cadets ou de simples aventuriers qui espéraient conquérir au loin les terres et les richesses qu’ils n’avaient pu trouver en Occident. De plus, la bénédiction de l’Église et l’approbation de la chrétienté les auréolaient d’un grand prestige.
Enthousiasme général
L’enthousiasme pour la croisade fut énorme : des dizaines de milliers de personnes, y compris les femmes, les vieillards, les enfants, se déclarèrent prêtes à partir libérer le Saint-Sépulcre. Il est hors de doute que la ferveur religieuse fut le moteur principal de cet immense élan. Mais d’autres facteurs alimentaient aussi cet enthousiasme. Le pape délia serviteurs et vassaux de leur serment de fidélité envers leurs seigneurs durant toute la période de la croisade. C’était une aubaine pour des centaines de petits vassaux, mais encore plus pour des milliers de paysans et de serfs, pour lesquelles la croisade était l’occasion inespérée de sortir de leur condition et de devenir riches. L’indulgence plénière, c’est-à-dire le pardon de tous les péchés qu’ils avaient commis, était en outre accordé aux croisés. De plus, ceux-ci ne pouvaient être jugés, s’ils commettaient quelque crime, que par des tribunaux ecclésiastiques, qui étaient disposés à fermer les yeux sur les fautes commises pour la cause sacrée. L’appel du pape tombé à pic, en effet, depuis l’an Mille, la chrétienté vit un renouveau : les guerriers codifient leurs combats et les paysans, bénéficiant d’une meilleur sécurité, améliorent leurs conditions de vie. La population se met à croître rapidement, et l’Europe connaît un réel essor économique. Le monde a quitté l’âge sombre pour entrer dans le Bas Moyen-Âge.
Les deux types de croisades
La « croisade des gueux »
« Dieu le veut ! Dieu le veut ! » : tel fut le cri de ralliement qui marqua le début des croisades. Urbain II avait fixé au mois d’août 1096 le départ de la grande expédition. Mais des dizaines de milliers de personnes s’étaient spontanément mises en route avant la date prévue. Sans protection armée, elles couraient au massacre. Plus de 12 000 personnes étaient parties de France en mars, conduites par le fanatique Pierre l’Ermite, entouré d’une vénération charismatique et un noble au nom évocateur, Gauthier Sans Avoir. On y trouvait : femmes accompagnant leur mari, paysans à la foi ardente désireux de fuir les servitudes féodales, enfants et vieillards convaincus de faire tomber les remparts de Jérusalem par la force de leurs prières. Il n’y avait alors que huit chevaliers. Dans le même temps, deux autres groupes mineurs étaient partis d’Allemagne. Munie de très peu d’armes et d’un maigre ravitaillement, un peu comme des pèlerins se rendant dans le comté voisin, cette foule descendit le Danube avec l’intention de rejoindre Constantinople et, de là, la Palestine : presque tous ignoraient où se trouvait le pays. Cette croisade des pauvres se transforma en fléau. Les croisés saccagèrent des villages entiers pour obtenir de la nourriture. Comme la plupart de leurs contemporains, ces pèlerins n’ont pas conscience du temps historique. Ils pensent que le Christ est à peine antérieur à leur époque, et s’acharnent à massacrer d’innocents groupes de juifs, qualifiés d’« ennemis du Christ ». Ces rapines et violences provoquèrent la réaction armée des habitants des régions traversées. Une majorité atteignirent Constantinople, où l’empereur Alexis Ier leur fit traverser le Bosphore, mais leur conseilla d’attendre l’arrivée de la véritable armée croisée. Ce fut en vain. La foule poursuivit sa marche jusqu’à Nicée, une place forte turque. Là, elle se disposa en ordre de bataille : quelques escouades d’archers turcs, sortis de la ville, suffirent à décimer ces malheureux rêveurs. Une escadre de navires byzantins récupéra les rares survivants.
La « croisade des barons »
Entre l’été et l’hiver 1096 se mit en marche la gigantesque machine de la première véritable croisade. Elle fut appelée « croisade des seigneurs », car aucun roi ne s’y était associé. Les différents souverains d’Europe : Philippe Ier, roi de France, Guillaume II, roi d’Angleterre et l’empereur Henri IV avaient été excommuniés par le pape. Mais les chefs de la croisade étaient valeureux et acquirent rapidement un grand prestige. L’expédition comprend quatre armées :
- Les Français du Nord sont placés sous le commandement de Hugues de Vermandois, frère du roi de France Philippe Ier, et Robert Courteheuse, fils de Guillaume le Conquérant.
- Les chevaliers du Rhin et de la Meuse sont menés par deux frères : Baudouin de Boulogne et Godefroi de Bouillon, le plus vaillant chevalier du groupe, courageux au combat et débordant de foi.
- Une troisième expédition part du Midi de la France sous la conduite du comte de Toulouse, Raymond IV de Saint-Gilles, âgé mais chargé de gloire et d’expérience pour avoir déjà combattu les musulmans en Espagne.
- Enfin, une quatrième armée part de l’Italie méridionale commandée par le normand Bohémond de Tarente, le fils de Robert Guiscard, qui conquit la Sicile. Bohémond est un guerrier expérimenté, il a déjà combattu les musulmans. Il est accompagné de son neveu, Tancrède de Hauteville, « l’incarnation de l’idéal du chevalier chrétien. »Le gros de l’expédition croisée était composé de contingents français ou de souche franque. Si bien que les musulmans qui voyaient fondre sur eux une armée chrétienne communiquant en français, prirent l’habitude d’appeler « Francs » tous les chrétiens d’Europe.
Les grandes étapes. De Constantinople à Nicée
Les armées composées d’environ 30 000 hommes au total, qui s’étaient rassemblées en divers points de l’Europe, se mirent en marche, en utilisant des routes différentes, pour aboutir à Constantinople. Le commandement unique fut confié à Godefroi de Bouillon, qui rejeta aussitôt fermement la proposition de Bohémond de Tarente de s’emparer de la capitale byzantine, affirmant être venu « uniquement pour combattre les infidèles ». Mais l’idée de mettre la main sur la riche cité de Constantinople demeura présente. L’empereur byzantin, Alexis Ier, approvisionna les troupes croisées, déjà bien épuisées, et s’engagea à les assister militairement. Les croisés avaient eu des démêlés avec l’empereur, celui-ci était vexé que l’Occident prenne la relève de l’Orient pour la lutte contre l’Islam. Alexis pensait voir arriver des mercenaires à sa solde. Il fut soulagé lorsque les troupes se mirent enfin en route pour Jérusalem. Les discordes ravageaient l’armée croisée : Godefroi commandait… quand on le lui permettait. Mais la division encore plus accentuée régnant chez les musulmans favorisa les croisés. Les troupes chrétiennes occupèrent Nicée sans grande difficulté. Par la suite, elles affrontèrent les Turcs à Dorylée dans une bataille très dure. Les troupes de Bohémond de Tarente étaient encerclées. Comme à leur habitude, les Turcs lancèrent flèches et javelots sur leurs adversaires. Mais les Francs maîtrisaient parfaitement la défensive, grâce à leurs cottes de maille et leurs épaisses armures. Les troupes de Godefroi arrivèrent alors en rescousse. Dès lors, les Turcs abandonnèrent le champ de bataille, laissant un butin énorme, et perdant leur invincibilité.
Les Croisés catapultant des têtes des morts lors du siège de Nicée
Afin de semer l’effroi sur les assiégés, les Francs catapultèrent des têtes de morts par dessus les remparts de Nicée.
La pénible marche vers Jérusalem
Après la victoire de Dorylée, les troupes durent affronter leur ennemi le plus impitoyable : une marche de 800 kilomètres sous un soleil ardent, dans des régions dépourvues d’eau, alors que les vivres manquaient et que les tribus bédouines les harcelaient sans cesse. Bien plus que les batailles, ces difficultés décimèrent l’expédition. L’hiver 1097 fut particulièrement pénible : après le soleil et la soif, les croisés affrontèrent le vent et le froid, la pluie, la faim et les épidémies, sous les remparts d’Antioche, dont les habitants résistèrent huit mois. De nombreux chrétiens désertèrent et s’embarquèrent à leurs frais sur des navires génois et vénitiens pour revenir en Europe. Cependant, beaucoup d’autres, les plus dévots et les plus solides, résistèrent. Parmi ceux-ci survécurent ceux qui s’étaient nourris pendant des semaines avec des « cannes douceâtres appelées zucra en arabe » : les Européens avaient découverts le sucre.
La prise d’Antioche
Antioche, assiégée par les croisés, résistait depuis huit mois. C’est alors que les croisés apprirent l’arrivée, en renfort des assiégés, d’une forte armée turque. Cette nouvelle suscita un tel mouvement de crainte et de désespoir qu’ils redoublèrent leurs assauts et prirent Antioche en une semaine. La ville fut livrée au pillage. L’audacieux Bohémond conduisit ensuite les troupes croisés contre l’armée turque, qui fut vaincue. Six mois passèrent pendant lesquels les croisés reprirent des forces et se réorganisèrent. Mais entre temps, les croisés se laissèrent griser par le pouvoir. Les seigneurs ne résistèrent pas à la tentation de s’offrir une province, malgré la promesse faite à l’empereur byzantin qui devait récupérer les territoires pris aux Turcs. Ainsi, Bohémond avait convaincu les Byzantins qui l’accompagnaient de s’enfuir. Les Byzantins l’avaient abandonné et il put se libérer de son serment de vassalité avec l’empereur. Bohémond se proclama ainsi prince d’Antioche. Quant à Baudouin de Boulogne, il attaqua Edesse pour son propre compte. De tous les grands croisés, seul Raymond IV ne s’était pas corrompu. Il partit seul pour Jérusalem bientôt rejoint par Godefroi de Bouillon.
Le siège d’Antioche
Un jour, un pauvre pèlerin raconta son rêve où il avait vu Saint André qui lui révéla l’endroit où était cachée la Saint Lance (la lance du centurion qui aurait percé le flanc du Christ). La Lance était enterré dans le sol de l’église Saint Pierre d’Antioche. On souleva les dalles puis l’on creusa une fosse, la Sainte Lance fut retrouvée quelques jours plus tard. Par la suite on accusa Raymond de Saint-Gilles d’avoir imaginé le subterfuge de la lance pour fanatiser ses compagnons.
La prise de Jérusalem
Le 7 juin 1099, trois ans après leur départ d’Occident, 12 000 soldats du Christ, déguenillés, tombèrent à genoux en pleurant lorsqu’ils aperçurent au loin les remparts puissants et élevés de Jérusalem, la Ville Sainte ! Les Croisés bénéficièrent des rivalités entre musulmans. Pendant que les Turcs étaient à Antioche, les Egyptiens fatimides avaient pris la ville de Jérusalem. Godefroi de Bouillon fit dresser les tentes autour de la ville et installer les machines de sièges, les tours pour l’escalade des remparts, construites par les charpentiers génois, les catapultes et tous les engins conçus par les techniciens militaires. La garnison de la place, qui ne dépassait pas le millier, observa tous ces travaux avec étonnement et quelque crainte. Le calife égyptien envoya ses ambassadeurs auprès des chefs croisés : il promettait, comme autrefois, toute liberté aux pèlerins chrétiens pour séjourner dans la ville et visiter les lieux saints. Les chefs de la croisade tinrent conseil. Allait-on abandonner, si près du but, l’objectif principal de l’expédition et s’interdire de former des royaumes latins en Orient, alors même que certains chevaliers s’étaient déjà taillé quelques fiefs dans les territoires conquis ? Aussi exigèrent-ils une reddition sans conditions. Les musulmans refusèrent. Le siège de la ville commença. Durant quarante jours, les mille défenseurs résistèrent aux douze mille croisés qui les assiégeaient. Le 15 juillet, Godefroi, Tancrède et leurs hommes réussirent à escalader les remparts de la ville. A coups de hache, ils atteignirent les portes, qu’ils ouvrirent toutes grandes. Les soldats se ruèrent dans la cité. Exaspérés par les privations, exaltés par les harangues des prédicateurs, affamés, ils ne pensèrent plus qu’à se venger et à rançonner la population, comme ils l’avaient fait à Antioche. Ce fut une page peu glorieuse de la chrétienté.
La pénible marche vers Jérusalem
Après la victoire de Dorylée, les troupes durent affronter leur ennemi le plus impitoyable : une marche de 800 kilomètres sous un soleil ardent, dans des régions dépourvues d’eau, alors que les vivres manquaient et que les tribus bédouines les harcelaient sans cesse. Bien plus que les batailles, ces difficultés décimèrent l’expédition. L’hiver 1097 fut particulièrement pénible : après le soleil et la soif, les croisés affrontèrent le vent et le froid, la pluie, la faim et les épidémies, sous les remparts d’Antioche, dont les habitants résistèrent huit mois. De nombreux chrétiens désertèrent et s’embarquèrent à leurs frais sur des navires génois et vénitiens pour revenir en Europe. Cependant, beaucoup d’autres, les plus dévots et les plus solides, résistèrent. Parmi ceux-ci survécurent ceux qui s’étaient nourris pendant des semaines avec des « cannes douceâtres appelées zucra en arabe » : les Européens avaient découverts le sucre.
Le pillage de Jérusalem
Un témoin oculaire, Raymond d’Agiles, raconta : « On vit alors des choses jamais vues. De nombreux infidèles furent décapités, tués par les archers ou contraints de sauter du haut des tours. D’autres encore furent torturés puis jetés dans les flammes. On pouvait voir dans les rues des monceaux de têtes, de mains et de pieds. On chevauchait partout sur des cadavres. Ce fut un tel massacre dans la ville que les nôtres marchaient dans le sang jusqu’aux chevilles. Les croisés pillaient à satiété : ils parcouraient les rues, entraient dans les maisons, raflaient or, argent, chevaux, tout ce qu’ils trouvaient… »
L’héritage de la première Croisade
Les Etats Latins d’Orient
Les croisés atteignirent enfin la basilique édifiée sur le Saint Sépulcre du Christ, que les infidèles avaient reconstruite après qu’un souverain fanatique eut cherché à l’abattre. Là, ils s’embrassèrent, pleurant de joie, les croisés avaient enfin atteint leur objectif. Le pape Urbain II mourut sans avoir eu connaissance du succès de l’expédition. On proposa à Godefroi de Bouillon le royaume « latin » ainsi conquis aux dépens de Raymond de Saint-Gilles qui était l’autre prétendant. Il refusa la couronne, se contentant du titre plus modeste d’« avoué, ou défenseur du Saint Sépulcre », ne voulant ceindre une couronne d’or là où le Christ avait une couronne d’épines. Il vainquit une armée égyptienne à Ascalon, puis s’occupa activement de l’organisation de son royaume. Il mourut brusquement, un an après la conquête, peut-être empoisonné par un musulman. Le royaume de Jérusalem fut donc confié à son frère Baudouin. Cette première croisade va donner naissance à quatre principautés chrétiennes en Terre Sainte créée sur le modèle féodal de l’Europe Occidentale. Ainsi, les 4 Etats Latins d’Orient sont :
- Le comté d’Edesse, fondé par Baudouin
- La principauté d’Antioche, occupé par Bohémond
- Le comté de Tripoli, pris en 1109
- Le royaume de Jérusalem, offert à Godefroi de Bouillon
Les Etats Latins d’Orient
Les Etats francs se consolidèrent pour apparaître comme une véritable puissance régionale. La France peut alors développer des échanges commerciaux avec d’autres ports de la Méditerranée.
La naissance des ordres de chevalerie
Pour défendre les États latins, des ordres de moines-soldats sont organisés en armée permanente : ainsi les Hospitaliers, en 1113, et les Templiers, en 1118. Des forteresses sont érigées, tel le fameux krak des Chevaliers en Syrie. Profitant de cette nouvelle communication avec l’Orient, le commerce méditerranéen s’intensifie et devient florissant. L’ordre du Temple est né en Terre sainte, en 1119, après la première Croisade, à l’initiative du chevalier champenois Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. Il a été officialisé par le concile de Troyes, neuf ans plus tard à la demande de Bernard de Clairvaux. L’ordre tire son nom du temple de Salomon, à Jérusalem, où il a installé son siège à ses débuts. L’ordre gagne en influence au cours des siècles et recrute dans toute l’Europe. Il va défendre les puissances latines en Orient, isolés des forces occidentales.
Le phénomène Da Vinci Code
L’intrigue du best-seller “Da Vinci Code” se base sur les secrets, souvent contestés, du Prieuré de Sion. Le roman explique que le Prieuré de Sion serait une société secrète fondée en 1099, après la première croisade, par Godefroi de Bouillon. Ayant découvert un grave secret concernant sa famille, dissimulé depuis l’époque du Christ, il chargea la société secrète de veiller sur ce secret et de le transmettre aux générations ultérieures. D’après la légende Godefroi serait un héritier des Mérovingiens. Par cela même, Godefroi serait un descendant du Christ et de Marie-Madeleine qui vint se réfugier en Gaule. Pour beaucoup, les informations sur la descendance du Christ constituent le Saint-Graal, habituellement représenté sous la forme du calice (vase sacré), immortalisé dans les contes de Chrétien de Troyes. Le Prieuré est fortement lié à l’Ordre du Temple, Hugues de Payns, le fondateur des Templiers serait également le premier grand maître du Prieuré de Sion. Le Prieuré existerait toujours, et le mystère qui l’entoure pose bien des questions. Bien sûr, toutes les thèses de Brown sont à prendre avec recul, car il s’agit d’un roman. Concernant le Prieuré, sa création remonterait seulement aux années 50.
Les ordres de Chevalerie européens
L’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (1099)
L’Ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, ou, Ordre Souverain de Malte (1113)
L’Ordre du Temple (1118)
L’Ordre de Calatrava (1158)
L’Ordre de Saint-Jacques-de-l’épée (1170)
L’Ordre d’Alcántara (1177)
L’Ordre de Saint-Benoît d’Aviz, ou, d’Avis (1187)
L’Ordre Constantinien de Saint-Georges (1190)
L’Ordre Teutonique (1198)
L’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, et, Notre-Dame du Mont Carmel (avant 1200)
L’Ordre des Chevaliers Porte-Glaive (1202)
L’Ordre de Sainte-Marie d’Espagne (1272)
L’Ordre de Montesa (1317)
L’Ordre du Christ du Portugal (1319)
L’Ordre Très Noble de la Jarretière (1348)
L’Ordre des Chevaliers de la Noble Maison de Saint-Ouen, ou, Chevaliers de l’Etoile (1351)
Le Très Honorable Ordre du Bain (1399)
Le Noble Ordre de la Toison d’Or (1430)
L’Ordre de l’Eléphant (1462)
L’Ordre de Saint-Michel (1469)
L’Ordre de San Stefano (1561)
L’Ordre des Saint-Maurice-et-Lazare de Savoie (1572)
L’Ordre du Saint-Esprit (1578)
Le Bailliage d’Utrecht de l’Ordre Teutonique (1580)
L’Ordre Très Ancien et Très Noble du Chardon (1687)
L’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis (1693)
La Légion d’Honneur (1802)
Le concile de Clermont
La présence du pape français Urbain II au concile de Clermont attira une telle foule que la réunion dut se tenir en plein air (contrairement à la miniature ci-contre), sur une place entourée par les tentes des participants, accourus de plusieurs pays.
La Terre sainte aux mains des infidèles
Urbain II, moine de Cluny, poursuit à sa manière la réforme grégorienne de l’Église engagée par son prédécesseur Grégoire VII. L’appel de Clermont s’inscrit dans la continuité des « trêves de Dieu », le clergé invite les chevaliers à interrompre leurs combats et à respecter les non-combattants (femmes, enfants, ecclésiastiques, marchands,…). Le pape veut en particulier moraliser la chevalerie, éradiquer la violence et mettre fin aux guerres privées entre seigneurs féodaux. Or les croisades allaient représenter les entreprises militaires les plus importantes et les plus sanglantes de l’histoire médiévale. A l’origine de cette offensive de la chrétienté contre l’islam, il y a des causes et des prétextes très divers. Dans le monde islamique, des changements importants étaient intervenus. Les Arabes, civilisés et tolérants, avaient toujours accueilli sans difficulté les pèlerins chrétiens en terre Sainte, et plus volontiers encore les marchands venus d’Occident. Or, leur pouvoir en Palestine avait été réduit par l’avancée des Turcs Seldjoukides. Ces musulmans étaient beaucoup plus rudes et intolérants que leurs coreligionnaires arabes. Au XIe siècle, ils occupaient la Mésopotamie, la Syrie, les ports du Levant et la Palestine avec tous ses lieux saints, Bethléem, Nazareth, Jérusalem. C’est surtout l’occupation de la ville sainte qui révoltait l’Occident, car elle abritait le Saint Sépulcre, abritant la tombe du Christ. Même si, par la suite, les faits furent exagérés, il est vrai que les pèlerins de Palestine furent en butte à la persécution des Turcs. Le désir d’arracher ces régions aux mains des « infidèles » fut un puissant stimulant religieux, qui poussa de nombreux fidèles à endosser la tunique blanche « croisée », c’est-à-dire marquée de la croix rouge du Christ. La détermination des croisés fut renforcée par les premiers succès des chrétiens espagnols dans leur entreprise de reconquête (Reconquista) de la péninsule ibérique.
Les croisades, une série de guerres religieuses entre le XIe et le XIIIe siècle, ont profondément marqué l'histoire du Moyen Âge.
Les croisades
Pèlerinages armés et guerres saintes
La lutte pour Jérusalem et la Terre Sainte, a conduit à huit croisades en Orient. Au delà de l'aspect militaire, le choc des cultures entre Chrétiens et Musulmans a eu de nombreuses conséquences sur le commerce ou le développement technique.
Les croisades sont des expéditions militaires menées par les chrétiens d'Occident, à l'appel de la papauté, dans le but de reprendre les Lieux saints (Jérusalem et la Terre sainte) aux musulmans. Elles se sont déroulées de 1096 à 1291, avec des conséquences durables sur l'Europe et le Moyen-Orient.
Origines et motivations des croisades
- Contexte religieux :
- La prise de Jérusalem par les Turcs seldjoukides en 1076 et les persécutions des pèlerins chrétiens suscitent l'indignation en Occident.
- L'appel du pape Urbain II au concile de Clermont en 1095, prêchant la croisade, rencontre un écho considérable.
- La promesse de l'indulgence plénière (rémission des péchés) motive de nombreux croisés.
- Motivations économiques et sociales :
- Les croisades offrent des opportunités de conquête de terres et de richesses pour les seigneurs et les chevaliers.
- Elles permettent d'évacuer une partie de la population excédentaire et de canaliser la violence de la société féodale.
Les principales croisades
- La première croisade (1096-1099) :
- La « croisade des pauvres », menée par Pierre l'Ermite, se solde par un désastre.
- La « croisade des barons », mieux organisée, aboutit à la prise de Jérusalem en 1099 et à la fondation des États latins d'Orient.
- Les croisades suivantes (XIIe-XIIIe siècles) :
- La deuxième croisade (1147-1149), prêchée par Bernard de Clairvaux, est un échec.
- La troisième croisade (1189-1192), menée par Richard Cœur de Lion, Frédéric Barberousse et Philippe Auguste, est déclenchée par la reprise de Jérusalem par Saladin.
- La quatrième croisade (1202-1204) est détournée de son objectif et aboutit au sac de Constantinople.
- Les croisades ultérieures (cinquième à huitième croisade) sont des échecs et conduisent à la perte progressive des États latins d'Orient.
Conséquences des croisades
- Conséquences religieuses :
- Les croisades exacerbent les tensions entre chrétiens et musulmans.
- Elles contribuent à la formation d'un sentiment d'identité chrétienne en Occident.
- Conséquences économiques et sociales :
- Les croisades favorisent les échanges commerciaux entre l'Orient et l'Occident.
- Elles entraînent le développement des villes italiennes (Venise, Gênes) qui contrôlent le commerce maritime.
- Les échanges culturels sont intenses, les occidentaux rapportent de nombreux savoirs, des techniques, et des produits de luxes.
- Conséquences politiques :
- Les croisades renforcent l'autorité de la papauté.
- Elles entraînent l'affaiblissement de l'Empire byzantin.
Conclusion
Les croisades sont une période complexe et controversée de l'histoire médiévale. Elles ont eu des conséquences durables sur les relations entre l'Orient et l'Occident, et ont contribué à façonner l'identité européenne.
Le temps des croisades (1095 - 1270)
La Première Croisade est la seule victoire militaire des Chrétiens. Celle-ci a donné lieu à de nombreux récits de l'idéal du chevalier chrétien (Godefroi de Bouillon), mais aussi à la création des Etats Latins d'Orient et des ordres de chevalerie (Templiers, Hospitaliers).
La Première Croisade
En ce jour de novembre 1095, malgré le froid et la neige tombée sur la montagne entourant Clermont, capitale de l’Auvergne, une grande foule s’était rassemblée pour la venue du pape Urbain II. Quand celui-ci prit la parole du haut d’une simple tribune en bois, il se fit un grand silence. Tout le monde devinait que le pape allait parler des nouvelles qui s’étaient répandues dans toute l’Europe à propos de la Terre Sainte. Et ces nouvelles étaient désastreuses pour la chrétienté.
Les enjeux. L’appel du pape
Urbain s’adressa à la foule en français : « Ô peuple des Francs ! Peuple aimé et élu de Dieu ! De Jérusalem et de Constantinople s’est répandue la grave nouvelle qu’une race maudite, totalement étrangère à Dieu, a envahi les terres chrétiennes, les dépeuplant par le fer et le feu. Les envahisseurs ont fait des prisonniers : ils en prennent une partie comme esclaves sur leurs terres, les autres sont mis à mort après de cruelles tortures. Ils ont détruits les autels après les avoir profanés. Cessez de vous haïr ! Mettez fin à vos querelles Prenez le chemin du Saint Sépulcre, arrachez cette terre à une race maligne, soumettez-là ! Jérusalem est une terre fertile, un paradis de délices. Cette cité royale, au centre de la terre, vous implore de venir à son aide. Partez promptement, et vous obtiendrez le pardon de vos fautes ! Souvenez-vous aussi que vous recevrez pour cela des honneurs et la gloire éternelle au royaume des cieux. » Un frémissement, des murmures, des cris d’indignation étouffés parcoururent alors la foule. Un célèbre moine prédicateur qui participait au concile de Clermont, Pierre d’Amiens, dit Pierre l’Ermite, poussa ce cri : « Dieu le veut ! ». La foule le reprit comme un grondement de tonnerre : « Dieu le veut ! ». C’est ainsi que commença la Première Croisade.
Le concile de Clermont
La présence du pape français Urbain II au concile de Clermont attira une telle foule que la réunion dut se tenir en plein air (contrairement à la miniature ci-contre), sur une place entourée par les tentes des participants, accourus de plusieurs pays.
La Terre sainte aux mains des infidèles
Urbain II, moine de Cluny, poursuit à sa manière la réforme grégorienne de l’Église engagée par son prédécesseur Grégoire VII. L’appel de Clermont s’inscrit dans la continuité des « trêves de Dieu », le clergé invite les chevaliers à interrompre leurs combats et à respecter les non-combattants (femmes, enfants, ecclésiastiques, marchands,…). Le pape veut en particulier moraliser la chevalerie, éradiquer la violence et mettre fin aux guerres privées entre seigneurs féodaux. Or les croisades allaient représenter les entreprises militaires les plus importantes et les plus sanglantes de l’histoire médiévale. A l’origine de cette offensive de la chrétienté contre l’islam, il y a des causes et des prétextes très divers. Dans le monde islamique, des changements importants étaient intervenus. Les Arabes, civilisés et tolérants, avaient toujours accueilli sans difficulté les pèlerins chrétiens en terre Sainte, et plus volontiers encore les marchands venus d’Occident. Or, leur pouvoir en Palestine avait été réduit par l’avancée des Turcs Seldjoukides. Ces musulmans étaient beaucoup plus rudes et intolérants que leurs coreligionnaires arabes. Au XIe siècle, ils occupaient la Mésopotamie, la Syrie, les ports du Levant et la Palestine avec tous ses lieux saints, Bethléem, Nazareth, Jérusalem. C’est surtout l’occupation de la ville sainte qui révoltait l’Occident, car elle abritait le Saint Sépulcre, abritant la tombe du Christ. Même si, par la suite, les faits furent exagérés, il est vrai que les pèlerins de Palestine furent en butte à la persécution des Turcs. Le désir d’arracher ces régions aux mains des « infidèles » fut un puissant stimulant religieux, qui poussa de nombreux fidèles à endosser la tunique blanche « croisée », c’est-à-dire marquée de la croix rouge du Christ. La détermination des croisés fut renforcée par les premiers succès des chrétiens espagnols dans leur entreprise de reconquête (Reconquista) de la péninsule ibérique.
Un croisé en prière
Libres de toute attache, les pauvres répondent à l’appel de la croisade avec plus de ferveur que les autres classes sociales. Sensibles aux récompenses célestes promises, ils cousent sur leurs vêtements une croix en tissu, d’où leur nom de ” croisés ” qui leur sera attribué.
Des raisons politiques et économiques
L’avancée des Turcs menaçait directement l’empire byzantin qui, durant sept siècles, avait constitué le rempart contre lequel s’était brisée l’expansion islamique à l’est du continent européen. Dans les visées de certains souverains occidentaux, les croisades devaient permettre de venir en aide aux Byzantins, mais aussi d’établir, pour leur propre compte, des enclaves « latines », ou catholiques, en Terre Sainte. Cet objectif était notamment soutenu par les républiques maritimes italiennes : les Turcs, en effet, avaient coupé les routes du grand commerce avec l’Orient. Des ports et comptoirs sous domination chrétienne permettraient de rouvrir ces routes, pour le grand profit des commerçants génois ou vénitiens. Le projet d’expéditions en Orient excitait aussi l’imagination de centaines de chevaliers et de barons désargentés et sans fiefs, de cadets ou de simples aventuriers qui espéraient conquérir au loin les terres et les richesses qu’ils n’avaient pu trouver en Occident. De plus, la bénédiction de l’Église et l’approbation de la chrétienté les auréolaient d’un grand prestige.
Enthousiasme général
L’enthousiasme pour la croisade fut énorme : des dizaines de milliers de personnes, y compris les femmes, les vieillards, les enfants, se déclarèrent prêtes à partir libérer le Saint-Sépulcre. Il est hors de doute que la ferveur religieuse fut le moteur principal de cet immense élan. Mais d’autres facteurs alimentaient aussi cet enthousiasme. Le pape délia serviteurs et vassaux de leur serment de fidélité envers leurs seigneurs durant toute la période de la croisade. C’était une aubaine pour des centaines de petits vassaux, mais encore plus pour des milliers de paysans et de serfs, pour lesquelles la croisade était l’occasion inespérée de sortir de leur condition et de devenir riches. L’indulgence plénière, c’est-à-dire le pardon de tous les péchés qu’ils avaient commis, était en outre accordé aux croisés. De plus, ceux-ci ne pouvaient être jugés, s’ils commettaient quelque crime, que par des tribunaux ecclésiastiques, qui étaient disposés à fermer les yeux sur les fautes commises pour la cause sacrée. L’appel du pape tombé à pic, en effet, depuis l’an Mille, la chrétienté vit un renouveau : les guerriers codifient leurs combats et les paysans, bénéficiant d’une meilleur sécurité, améliorent leurs conditions de vie. La population se met à croître rapidement, et l’Europe connaît un réel essor économique. Le monde a quitté l’âge sombre pour entrer dans le Bas Moyen-Âge.
Les deux types de croisades
La « croisade des gueux »
« Dieu le veut ! Dieu le veut ! » : tel fut le cri de ralliement qui marqua le début des croisades. Urbain II avait fixé au mois d’août 1096 le départ de la grande expédition. Mais des dizaines de milliers de personnes s’étaient spontanément mises en route avant la date prévue. Sans protection armée, elles couraient au massacre. Plus de 12 000 personnes étaient parties de France en mars, conduites par le fanatique Pierre l’Ermite, entouré d’une vénération charismatique et un noble au nom évocateur, Gauthier Sans Avoir. On y trouvait : femmes accompagnant leur mari, paysans à la foi ardente désireux de fuir les servitudes féodales, enfants et vieillards convaincus de faire tomber les remparts de Jérusalem par la force de leurs prières. Il n’y avait alors que huit chevaliers. Dans le même temps, deux autres groupes mineurs étaient partis d’Allemagne. Munie de très peu d’armes et d’un maigre ravitaillement, un peu comme des pèlerins se rendant dans le comté voisin, cette foule descendit le Danube avec l’intention de rejoindre Constantinople et, de là, la Palestine : presque tous ignoraient où se trouvait le pays. Cette croisade des pauvres se transforma en fléau. Les croisés saccagèrent des villages entiers pour obtenir de la nourriture. Comme la plupart de leurs contemporains, ces pèlerins n’ont pas conscience du temps historique. Ils pensent que le Christ est à peine antérieur à leur époque, et s’acharnent à massacrer d’innocents groupes de juifs, qualifiés d’« ennemis du Christ ». Ces rapines et violences provoquèrent la réaction armée des habitants des régions traversées. Une majorité atteignirent Constantinople, où l’empereur Alexis Ier leur fit traverser le Bosphore, mais leur conseilla d’attendre l’arrivée de la véritable armée croisée. Ce fut en vain. La foule poursuivit sa marche jusqu’à Nicée, une place forte turque. Là, elle se disposa en ordre de bataille : quelques escouades d’archers turcs, sortis de la ville, suffirent à décimer ces malheureux rêveurs. Une escadre de navires byzantins récupéra les rares survivants.
La « croisade des barons »
Entre l’été et l’hiver 1096 se mit en marche la gigantesque machine de la première véritable croisade. Elle fut appelée « croisade des seigneurs », car aucun roi ne s’y était associé. Les différents souverains d’Europe : Philippe Ier, roi de France, Guillaume II, roi d’Angleterre et l’empereur Henri IV avaient été excommuniés par le pape. Mais les chefs de la croisade étaient valeureux et acquirent rapidement un grand prestige. L’expédition comprend quatre armées :
- Les Français du Nord sont placés sous le commandement de Hugues de Vermandois, frère du roi de France Philippe Ier, et Robert Courteheuse, fils de Guillaume le Conquérant.
- Les chevaliers du Rhin et de la Meuse sont menés par deux frères : Baudouin de Boulogne et Godefroi de Bouillon, le plus vaillant chevalier du groupe, courageux au combat et débordant de foi.
- Une troisième expédition part du Midi de la France sous la conduite du comte de Toulouse, Raymond IV de Saint-Gilles, âgé mais chargé de gloire et d’expérience pour avoir déjà combattu les musulmans en Espagne.
- Enfin, une quatrième armée part de l’Italie méridionale commandée par le normand Bohémond de Tarente, le fils de Robert Guiscard, qui conquit la Sicile. Bohémond est un guerrier expérimenté, il a déjà combattu les musulmans. Il est accompagné de son neveu, Tancrède de Hauteville, « l’incarnation de l’idéal du chevalier chrétien. »Le gros de l’expédition croisée était composé de contingents français ou de souche franque. Si bien que les musulmans qui voyaient fondre sur eux une armée chrétienne communiquant en français, prirent l’habitude d’appeler « Francs » tous les chrétiens d’Europe.
Les grandes étapes. De Constantinople à Nicée
Les armées composées d’environ 30 000 hommes au total, qui s’étaient rassemblées en divers points de l’Europe, se mirent en marche, en utilisant des routes différentes, pour aboutir à Constantinople. Le commandement unique fut confié à Godefroi de Bouillon, qui rejeta aussitôt fermement la proposition de Bohémond de Tarente de s’emparer de la capitale byzantine, affirmant être venu « uniquement pour combattre les infidèles ». Mais l’idée de mettre la main sur la riche cité de Constantinople demeura présente. L’empereur byzantin, Alexis Ier, approvisionna les troupes croisées, déjà bien épuisées, et s’engagea à les assister militairement. Les croisés avaient eu des démêlés avec l’empereur, celui-ci était vexé que l’Occident prenne la relève de l’Orient pour la lutte contre l’Islam. Alexis pensait voir arriver des mercenaires à sa solde. Il fut soulagé lorsque les troupes se mirent enfin en route pour Jérusalem. Les discordes ravageaient l’armée croisée : Godefroi commandait… quand on le lui permettait. Mais la division encore plus accentuée régnant chez les musulmans favorisa les croisés. Les troupes chrétiennes occupèrent Nicée sans grande difficulté. Par la suite, elles affrontèrent les Turcs à Dorylée dans une bataille très dure. Les troupes de Bohémond de Tarente étaient encerclées. Comme à leur habitude, les Turcs lancèrent flèches et javelots sur leurs adversaires. Mais les Francs maîtrisaient parfaitement la défensive, grâce à leurs cottes de maille et leurs épaisses armures. Les troupes de Godefroi arrivèrent alors en rescousse. Dès lors, les Turcs abandonnèrent le champ de bataille, laissant un butin énorme, et perdant leur invincibilité.
Les Croisés catapultant des têtes des morts lors du siège de Nicée
Afin de semer l’effroi sur les assiégés, les Francs catapultèrent des têtes de morts par dessus les remparts de Nicée.
La pénible marche vers Jérusalem
Après la victoire de Dorylée, les troupes durent affronter leur ennemi le plus impitoyable : une marche de 800 kilomètres sous un soleil ardent, dans des régions dépourvues d’eau, alors que les vivres manquaient et que les tribus bédouines les harcelaient sans cesse. Bien plus que les batailles, ces difficultés décimèrent l’expédition. L’hiver 1097 fut particulièrement pénible : après le soleil et la soif, les croisés affrontèrent le vent et le froid, la pluie, la faim et les épidémies, sous les remparts d’Antioche, dont les habitants résistèrent huit mois. De nombreux chrétiens désertèrent et s’embarquèrent à leurs frais sur des navires génois et vénitiens pour revenir en Europe. Cependant, beaucoup d’autres, les plus dévots et les plus solides, résistèrent. Parmi ceux-ci survécurent ceux qui s’étaient nourris pendant des semaines avec des « cannes douceâtres appelées zucra en arabe » : les Européens avaient découverts le sucre.
La prise d’Antioche
Antioche, assiégée par les croisés, résistait depuis huit mois. C’est alors que les croisés apprirent l’arrivée, en renfort des assiégés, d’une forte armée turque. Cette nouvelle suscita un tel mouvement de crainte et de désespoir qu’ils redoublèrent leurs assauts et prirent Antioche en une semaine. La ville fut livrée au pillage. L’audacieux Bohémond conduisit ensuite les troupes croisés contre l’armée turque, qui fut vaincue. Six mois passèrent pendant lesquels les croisés reprirent des forces et se réorganisèrent. Mais entre temps, les croisés se laissèrent griser par le pouvoir. Les seigneurs ne résistèrent pas à la tentation de s’offrir une province, malgré la promesse faite à l’empereur byzantin qui devait récupérer les territoires pris aux Turcs. Ainsi, Bohémond avait convaincu les Byzantins qui l’accompagnaient de s’enfuir. Les Byzantins l’avaient abandonné et il put se libérer de son serment de vassalité avec l’empereur. Bohémond se proclama ainsi prince d’Antioche. Quant à Baudouin de Boulogne, il attaqua Edesse pour son propre compte. De tous les grands croisés, seul Raymond IV ne s’était pas corrompu. Il partit seul pour Jérusalem bientôt rejoint par Godefroi de Bouillon.
Le siège d’Antioche
Un jour, un pauvre pèlerin raconta son rêve où il avait vu Saint André qui lui révéla l’endroit où était cachée la Saint Lance (la lance du centurion qui aurait percé le flanc du Christ). La Lance était enterré dans le sol de l’église Saint Pierre d’Antioche. On souleva les dalles puis l’on creusa une fosse, la Sainte Lance fut retrouvée quelques jours plus tard. Par la suite on accusa Raymond de Saint-Gilles d’avoir imaginé le subterfuge de la lance pour fanatiser ses compagnons.
La prise de Jérusalem
Le 7 juin 1099, trois ans après leur départ d’Occident, 12 000 soldats du Christ, déguenillés, tombèrent à genoux en pleurant lorsqu’ils aperçurent au loin les remparts puissants et élevés de Jérusalem, la Ville Sainte ! Les Croisés bénéficièrent des rivalités entre musulmans. Pendant que les Turcs étaient à Antioche, les Egyptiens fatimides avaient pris la ville de Jérusalem. Godefroi de Bouillon fit dresser les tentes autour de la ville et installer les machines de sièges, les tours pour l’escalade des remparts, construites par les charpentiers génois, les catapultes et tous les engins conçus par les techniciens militaires. La garnison de la place, qui ne dépassait pas le millier, observa tous ces travaux avec étonnement et quelque crainte. Le calife égyptien envoya ses ambassadeurs auprès des chefs croisés : il promettait, comme autrefois, toute liberté aux pèlerins chrétiens pour séjourner dans la ville et visiter les lieux saints. Les chefs de la croisade tinrent conseil. Allait-on abandonner, si près du but, l’objectif principal de l’expédition et s’interdire de former des royaumes latins en Orient, alors même que certains chevaliers s’étaient déjà taillé quelques fiefs dans les territoires conquis ? Aussi exigèrent-ils une reddition sans conditions. Les musulmans refusèrent. Le siège de la ville commença. Durant quarante jours, les mille défenseurs résistèrent aux douze mille croisés qui les assiégeaient. Le 15 juillet, Godefroi, Tancrède et leurs hommes réussirent à escalader les remparts de la ville. A coups de hache, ils atteignirent les portes, qu’ils ouvrirent toutes grandes. Les soldats se ruèrent dans la cité. Exaspérés par les privations, exaltés par les harangues des prédicateurs, affamés, ils ne pensèrent plus qu’à se venger et à rançonner la population, comme ils l’avaient fait à Antioche. Ce fut une page peu glorieuse de la chrétienté.
Le pillage de Jérusalem
Un témoin oculaire, Raymond d’Agiles, raconta : « On vit alors des choses jamais vues. De nombreux infidèles furent décapités, tués par les archers ou contraints de sauter du haut des tours. D’autres encore furent torturés puis jetés dans les flammes. On pouvait voir dans les rues des monceaux de têtes, de mains et de pieds. On chevauchait partout sur des cadavres. Ce fut un tel massacre dans la ville que les nôtres marchaient dans le sang jusqu’aux chevilles. Les croisés pillaient à satiété : ils parcouraient les rues, entraient dans les maisons, raflaient or, argent, chevaux, tout ce qu’ils trouvaient… »
L’héritage de la première Croisade
Les Etats Latins d’Orient
Les croisés atteignirent enfin la basilique édifiée sur le Saint Sépulcre du Christ, que les infidèles avaient reconstruite après qu’un souverain fanatique eut cherché à l’abattre. Là, ils s’embrassèrent, pleurant de joie, les croisés avaient enfin atteint leur objectif. Le pape Urbain II mourut sans avoir eu connaissance du succès de l’expédition. On proposa à Godefroi de Bouillon le royaume « latin » ainsi conquis aux dépens de Raymond de Saint-Gilles qui était l’autre prétendant. Il refusa la couronne, se contentant du titre plus modeste d’« avoué, ou défenseur du Saint Sépulcre », ne voulant ceindre une couronne d’or là où le Christ avait une couronne d’épines. Il vainquit une armée égyptienne à Ascalon, puis s’occupa activement de l’organisation de son royaume. Il mourut brusquement, un an après la conquête, peut-être empoisonné par un musulman. Le royaume de Jérusalem fut donc confié à son frère Baudouin. Cette première croisade va donner naissance à quatre principautés chrétiennes en Terre Sainte créée sur le modèle féodal de l’Europe Occidentale. Ainsi, les 4 Etats Latins d’Orient sont :
- Le comté d’Edesse, fondé par Baudouin
- La principauté d’Antioche, occupé par Bohémond
- Le comté de Tripoli, pris en 1109
- Le royaume de Jérusalem, offert à Godefroi de Bouillon
Les Etats Latins d’Orient
Les Etats francs se consolidèrent pour apparaître comme une véritable puissance régionale. La France peut alors développer des échanges commerciaux avec d’autres ports de la Méditerranée.
La naissance des ordres de chevalerie
Pour défendre les États latins, des ordres de moines-soldats sont organisés en armée permanente : ainsi les Hospitaliers, en 1113, et les Templiers, en 1118. Des forteresses sont érigées, tel le fameux krak des Chevaliers en Syrie. Profitant de cette nouvelle communication avec l’Orient, le commerce méditerranéen s’intensifie et devient florissant. L’ordre du Temple est né en Terre sainte, en 1119, après la première Croisade, à l’initiative du chevalier champenois Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. Il a été officialisé par le concile de Troyes, neuf ans plus tard à la demande de Bernard de Clairvaux. L’ordre tire son nom du temple de Salomon, à Jérusalem, où il a installé son siège à ses débuts. L’ordre gagne en influence au cours des siècles et recrute dans toute l’Europe. Il va défendre les puissances latines en Orient, isolés des forces occidentales.
Le phénomène Da Vinci Code
L’intrigue du best-seller “Da Vinci Code” se base sur les secrets, souvent contestés, du Prieuré de Sion. Le roman explique que le Prieuré de Sion serait une société secrète fondée en 1099, après la première croisade, par Godefroi de Bouillon. Ayant découvert un grave secret concernant sa famille, dissimulé depuis l’époque du Christ, il chargea la société secrète de veiller sur ce secret et de le transmettre aux générations ultérieures. D’après la légende Godefroi serait un héritier des Mérovingiens. Par cela même, Godefroi serait un descendant du Christ et de Marie-Madeleine qui vint se réfugier en Gaule. Pour beaucoup, les informations sur la descendance du Christ constituent le Saint-Graal, habituellement représenté sous la forme du calice (vase sacré), immortalisé dans les contes de Chrétien de Troyes. Le Prieuré est fortement lié à l’Ordre du Temple, Hugues de Payns, le fondateur des Templiers serait également le premier grand maître du Prieuré de Sion. Le Prieuré existerait toujours, et le mystère qui l’entoure pose bien des questions. Bien sûr, toutes les thèses de Brown sont à prendre avec recul, car il s’agit d’un roman. Concernant le Prieuré, sa création remonterait seulement aux années 50.
- Les ordres de Chevalerie européens
- L’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (1099)
- L’Ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, ou, Ordre Souverain de Malte (1113)
- L’Ordre du Temple (1118)
- L’Ordre de Calatrava (1158)
- L’Ordre de Saint-Jacques-de-l’épée (1170)
- L’Ordre d’Alcántara (1177)
- L’Ordre de Saint-Benoît d’Aviz, ou, d’Avis (1187)
- L’Ordre Constantinien de Saint-Georges (1190)
- L’Ordre Teutonique (1198)
- L’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, et, Notre-Dame du Mont Carmel (avant 1200)
- L’Ordre des Chevaliers Porte-Glaive (1202)
- L’Ordre de Sainte-Marie d’Espagne (1272)
- L’Ordre de Montesa (1317)
- L’Ordre du Christ du Portugal (1319)
- L’Ordre Très Noble de la Jarretière (1348)
- L’Ordre des Chevaliers de la Noble Maison de Saint-Ouen, ou, Chevaliers de l’Etoile (1351)
- Le Très Honorable Ordre du Bain (1399)
- Le Noble Ordre de la Toison d’Or (1430)
- L’Ordre de l’Eléphant (1462)
- L’Ordre de Saint-Michel (1469)
- L’Ordre de San Stefano (1561)
- L’Ordre des Saint-Maurice-et-Lazare de Savoie (1572)
- L’Ordre du Saint-Esprit (1578)
- Le Bailliage d’Utrecht de l’Ordre Teutonique (1580)
- L’Ordre Très Ancien et Très Noble du Chardon (1687)
- L’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis (1693)
- La Légion d’Honneur (1802)
Les croisades vers la terre sainte
La lutte pour Jérusalem et la Terre Sainte, a conduit à huit croisades en Orient. Au delà de l'aspect militaire, le choc des cultures entre Chrétiens et Musulmans a eu de nombreuses conséquences sur le commerce ou le développement technique.
Bénie par le pape et conduite par les monarques des royaumes chrétiens de la vieille Europe, cette aventure devait représenter tout ce que l’esprit médiéval avait de bon en lui. Malgré l’échec militaire manifeste des croisades (à l’exception de la première), la Chrétienté en sortit grandie au niveau économique et culturel. Le choc des cultures fut nettement favorable à l’Europe, moins avancée que le Moyen Orient qui rentre alors en déclin. Les croisades permirent également au niveau géopolitique la création des Etats Latins d’Orient (comté d’Edesse et de Tripoli, principauté d’Antioche, royaume de Jérusalem) et l’essor des républiques maritimes italiennes (Amalfi, Gênes, Pise et Venise).
Les caractéristiques des Croisades
Une grande aventure médiévale
Alors que la société européenne était rigide et fragmentée, tous les états (clergé, noblesse, bourgeoisie et université) s’impliquèrent dans les huit expéditions, toutes castes confondues :
- La haute noblesse les appuya et lutta pour elles
- La hiérarchie du clergé prêcha en leur faveur depuis les cathédrales jusqu’à la plus modeste des chapelles.
- Basse noblesse ou puînés des familles s’y lancèrent qui en quête de réputation et d’honneurs, qui de pouvoir et de richesses.
- Trouvères et jongleurs rivalisèrent en poésie sur la reconquête de la Terre sainte, atteignant parfois dans leurs vers des sommets artistiques sublimes.
- Pour tout chevalier « partir à la Croisade » devint très vite un devoir incontournable, autant que le respect et l’amour pour sa dame.
Un grand investissement économique
Au cours des huit campagnes, tout le monde y trouva son compte :
- Corporations d’armuriers, forgerons, tailleurs, tanneurs et artisans de toute sorte équipèrent et pourvurent les croisés
- De puissantes corporations de commerçants et d’investisseurs financèrent les différentes campagnes entreprises…
- Grands armateurs et travailleurs des chantiers navals fournirent les nombreux navires nécessaires au transport de cette multitude.
- Le petit peuple des campagnes enfin, tout comme les pauvres prolétaires des villes, nourrissaient au passage les phalanges plébéiennes des armées : infanterie et unités d’artillerie.
Le rôle des femmes
Les femmes, jusqu’alors réalité féodale passive participèrent à la grande entreprise en confectionnant vêtements, couvertures et toiles d’abri : brodant une infinité de bannières avec force flammes, enseignes, insignes, fanions et drapeaux que devaient bientôt arborer sur les champs de bataille les porte-étendards des armées. Sans parler de mouchoir marqué de deux ou trois larmes d’amour de sa dame, que tout chevalier en partance pour le Proche Orient emportait noué autour de son bras ou caché contre son cœur. Souvent même, la reine accompagnait son royal conjoint dans l’aventure, suivie elle-même par les dames de la plus haute noblesse, voyageant elles aussi avec leurs époux. En même temps que les comtesses, marquises et autres baronnes, une troupe bigarrée de prostituées suivait. On trouvait également toute une horde de vauriennes, d’entremetteuses, de joueuses invétérées, de truandes et assassines.
Des expéditions très sanglantes
Une fois les villes conquises, les troupes chrétiennes et leurs chefs, se livraient à des atrocités qui faisaient frémir les chroniqueurs chrétiens qui en avaient été les témoins, certains se plaisaient à pratiquer le cannibalisme. Ainsi, après la mise à sac de la Palestine, Raoul de Caen, chroniqueur de la Première Croisade écrivait : « A Maarat, les nôtres firent cuire les païens adultes dans des marmites et embrochèrent les enfants pour les manger rôtis. » Le chroniquer arabe Usana ibn Munqidh, qui avait connu dans sa chair les atrocités de la deuxième te troisième croisade, notait dans ses mémoires : « Quand on nous eu informés sur les frany (nom donné par les Arabes aux Croisés), nous vîmes en eux des bêtes nuisibles qui ont une supériorité dans la valeur et l’ardeur au combat mais rien d’autre, tout comme les animaux ont une supériorité dans la force et l’agressivité. » Et cet autre : « Les frany passèrent au fil du couteau la population de la Cité sainte et tuèrent des Musulmans pendant une semaine. Dans la mosquée Al-Aqsa, ils massacrèrent 60 000 personnes. Ils réunirent et enfermèrent les Juifs dans leur synagogue et les y brûlèrent vifs. » Même leurs coreligionnaires n’échappèrent pas à la fureur sacrée des troupes européennes : tous les prêtres et pratiquants des rites orientaux résidant à Jérusalem furent expulsés de la ville et beaucoup assassinés. Plusieurs prêtres coptes qui savaient où se trouvait cachée « la Sainte croix du Christ » furent férocement torturés afin qu’ils livrent leur secret.
Libres de toute attache, les pauvres répondent à l’appel de la croisade avec plus de ferveur que les autres classes sociales. Sensibles aux récompenses célestes promises, ils cousent sur leurs vêtements une croix en tissu, d’où leur nom de “croisés” qui leur sera attribué.
La prédominance française
Cependant avec notre regard d’aujourd’hui, les Croisades, ces entreprises démesurées, absurdes dans un certain sens, se révélèrent d’un haut degré d’imperfection et, par dessus tout, chaotiques et irrationnelles. Ce mot de « Frany » nous fait prendre conscience du fait que les Croisés provenaient de toutes les régions d’Europe, depuis le Portugal jusqu’à la Lituanie, mais elles étaient principalement et essentiellement une entreprise française. Grâce à cette prépondérance, la France était à chaque fois le centre et l’axe de la politique européenne : l’Etat le plus puissant et le plus influent du continent. Mais la France sortit cependant exsangue des Croisades, y perdant plus de vies humaines que tous les autres pays de la chrétienté réunis. Selon l’avis de plusieurs historiens, les Croisades furent le prologue de la guerre de cent Ans au cours de laquelle la France affronta l’Angleterre dans des conditions désavantageuses dès le début.
La première croisade (1095 - 1099)
Voir l’article consacré à la Première Croisade
La deuxième croisade (1147 - 1149)
En 1144, les musulmans reprirent le comté d’Edesse (l’un des quatre Etats d’Orient fondé par les croisés). Le pape ordonna alors de former une nouvelle croisade. Elle fut prêchée par Bernard de Clairvaux, à l’assemblée de Vézelay, en Bourgogne, en 1146. L’expédition fut conduite par le roi de France Louis VII et l’empereur germanique Conrad III. Les désaccords entre les chefs, le manque d’organisation et les erreurs militaires entraînèrent une série de revers des forces croisées. Après que ses troupes eurent été décimées à Dorylée, Conrad rentra en Allemagne. Louis VII, quant à lui était peu expérimenté pour mener la guerre, et il se heurtait bien souvent à la perfidie des byzantins. Les survivants rejoignirent Jérusalem, puis déclenchèrent une attaque contre Damas, sans pouvoir s’emparer de cette ville. La nouvelle de l’arrivée de renforts musulmans contraignit les chrétiens à lever le camp et à rentrer sans gloire en Europe. En deux années seulement, le prestige des armées croisées était tombé si bas que l’on pouvait penser que plus personne ne voudrait reprendre les armes.
Louis VII part pour la Seconde Croisade
Il tient son surnom de “Jeune”, car il était le fils cadet de Louis VI le Gros. Elevé par Suger à l’abbaye de Saint-Denis, il a gardé l’empreinte monastique et le peu de goût pour les armes.
La troisième croisade - la « croisade des rois » (1189 - 1192)
Quarante années passèrent, pendant lesquelles chrétiens et musulmans vécurent souvent en bon voisinage. Beaucoup d’anciens croisés avaient épousé des femmes arabes et avaient adopté nombre de coutumes orientales. Les échanges commerciaux étaient très intenses entre les ports du Levant et ceux des côtes italiennes. Le plus important des personnages du monde musulman était alors le sultan d’Egypte, Salâh al-Dîn, dit Saladin, qui avait étendu sa domination sur une grande partie du Levant et établi de bons rapports avec les chrétiens. Mais la violation de ce statu quo par quelques seigneurs fanatiques ramena la guerre dans la région. Saladin battit les chrétiens à la bataille d’Attîn et entra en vainqueur à Jérusalem en 1187. La prise de la ville entraîna l’appel à la troisième croisade. Elle fut appelée la « croisade des rois » parce qu’à sa tête se trouvaient les souverains les plus prestigieux d’Occident : l’empereur Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Les armées réunies étaient très importantes. Mais à peine arrivé en Asie Mineure, Frédéric Barberousse se noya pour avoir traversé une rivière avec son armure. Les deux souverains survivants reprirent la ville de Saint-Jean d’Acre. Puis les événements prirent une autre tournure. Le roi de France n’avait qu’une seule hâte : retourner dans sa patrie et profiter de l’absence de Richard pour mettre la main sur les possessions françaises de ce dernier. Resté seul, le roi anglais accomplit des prodiges, mais il n’est plus en mesure de battre Saladin. Aussi conclut-il, en 1192, une trêve avec son valeureux adversaire. L’accord stipulait que Jérusalem restait aux mains des musulmans, qui s’engageaient en retour à protéger les pèlerins chrétiens se rendant dans la ville Sainte. De plus, les Francs conservaient les ports du Levant, ainsi que Chypre.
Siège de Saint-Jean d’Acre
Cette 3 ème croisade est certainement l’une des plus célèbres. Le grand sultan Saladin était très respecté des chrétiens qui le considéraient comme le « reflet immaculé de la Chevalerie ». Face à lui, Richard Cœur de Lion, un redoutable guerrier, très endurant au combat. Le roi anglais a été immortalisé par les aventures de Robin des Bois.
La quatrième croisade - la « croisade de Venise » (1202 - 1204)
La quatrième croisade fut inspirée par le pape Innocent III, qui mit les souverains chrétiens en demeure de reprendre les armes et de libérer le Saint Sépulcre des mains des musulmans. A la différence de la précédente, ce fut une croisade conduite par de simples chevaliers : Boniface de Montserrat, Baudouin de Flandre et Geoffroy de Villehardouin. Son objectif initial était l’Égypte, mais elle fut complètement déviée de son but par les Vénitiens. Ceux-ci s’étaient engagés à pourvoir au transport des troupes contre le paiement d’une somme très importante. Comme les croisés n’avaient pas réussi à réunir entièrement l’argent, les Vénitiens exigèrent la prise de la ville de Zara (aujourd’hui Zadar en Yougoslavie), qui faisait concurrence à la sérénissime république : en cinq jours, cette cité chrétienne fut prise. Puis les croisés se dirigèrent vers Constantinople qu’ils mirent à sac en 1204. Venise se fit céder des territoires byzantins. Le chef croisé Baudouin devint le premier empereur de l’Empire latin d’Orient. Ainsi s’acheva cette croisade de chrétiens contre d’autres chrétiens : on était loin de l’idéal d’un Godefroi de Bouillon.
La « croisade des enfants » (1212)
La cinquième croisade (1217 - 1221)
Pour faire oublier le scandale de la quatrième croisade, on laissa croire que seuls des enfants innocents pouvaient miraculeusement libérer le Saint Sépulcre. Des prédicateurs fanatiques surent convaincre les parents de plus de 30 000 enfants de les laisser partir désarmés, sans ravitaillement, complètement démunis. A Gênes, de malhonnêtes commandants de navires les firent passer en Égypte et en Tunisie, où, naturellement, ils furent vendus comme esclaves.
La cinquième croisade est également prêchée par le pape Innocent III. Après une expédition infructueuse des rois de Chypre et de Hongrie, le roi de Jérusalem Jean de Brienne tente d’envahir l’Égypte dont le sultan contrôlait la Terre Sainte : il réussit à prendre Damiette en 1219 avec l’aide précieuse des chevaliers templiers. Trois années plus tard, l’armée occidentale progressant sur le chemin du Caire, se fait surprendre par une crue du Nil et doit capituler : les musulmans leur imposent de libérer Damiette en échange de la possibilité de reprendre la mer sans être inquiété.
La sixième croisade (1228 - 1229)
L’empereur germanique Frédéric II, excommunié pour avoir rompu avec le pape Grégoire IX, fut pratiquement obligé de partir en croisade. Il partit avec beaucoup de retard et arriva en Terre sainte en 1228, avec seulement 3 000 soldats. Après 5 mois de négociations avec le sultan d’Egypte Al-Kâmil, il parvient par la diplomatie à signer le traité de Jaffa. Il obtint ainsi la restitution de Béthléem, de Nazareth et même de Jérusalem au royaume latin. A Jérusalem, les musulmans gardent la possession de leurs temples et mosquées, tandis que les chrétiens récupèrent le Saint Sépulcre. Mais ce succès ne fut pas reconnu en Occident, où l’on se scandalisa de l’accord conclu avec les infidèles ! En 1244, les musulmans reconquirent Jérusalem, qui ne devait jamais plus retourner en mains chrétiennes.
L’empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen (1220-1250)
Etonnant succès de cet empereur germanique qui récupère Jérusalem sans avoir versé une goutte de sang.
La septième croisade (1248 - 1254)
En 1248, la Terre Sainte est reprise par les infidèles : le sultan d’Egypte a repris Jérusalem qui avait été restituée aux occidentaux suite aux négociations de la 6ème croisade, et a massacré l’armée franque. Louis IX entreprend donc une expédition au cœur de l’Egypte afin d’attaquer les sarrasins au cœur de leur puissance, espérant forcer le sultan à céder Jérusalem. Cependant l’ardeur religieuse est moindre, Louis IX est obligé de forcer un certain nombre de ses proches à prendre la croix avec lui. Il part avec sa femme Marguerite de Provence et ses deux frères, Robert d’Artois et Charles d’Anjou. Le roi embarque à Aigues-Mortes, un port royal en construction qui permettra à la France d’avoir un débouché sur la Méditerranée. Après une escale à Chypre, les croisés s’emparent de la ville de Damiette, puis se préparent à marcher sur Le Caire où résidait le sultan. Elle ne parvient pas à son but, car elle fut assaillie en route par les sarrasins et taillée en pièces à Mansourah. Le frère du roi, Robert d’Artois est tué avec bon nombre de ses chevaliers, le roi et le reste de l’armée furent faits prisonniers. Après négociation, Louis IX est libéré contre une énorme rançon de 400 000 livres (payée partiellement par les Templiers). Saint Louis passa encore quatre années en Terre sainte, aidant les principautés franques à réorganiser leur système de défense. Les renforts sur lesquels il comptait ne venant pas, il finit par rentrer en France, en 1254. C’est également la mort de sa mère, Blanche de Castille, qui assurait la régence, qui va décider Louis à rentrer après six années d’absence.
Siège de Damiette
Malgré l’échec de la croisade, Saint Louis gagna le respect et la considération du pape.
La huitième croisade (1270)
L’échec de la septième croisade, que Saint Louis interpréta comme une punition divine l’affecta beaucoup. Pourtant au XIIIe siècle, l’Europe n’est plus, comme au XIIe siècle, mobilisée contre les infidèles. Comme le disait le poète Rutebeuf : « On peut bien gagner Dieu sans bouger de son pays, en vivant de son héritage. Je ne fais de tort à personne. Si je pars, que deviendront ma femme et mes enfants ? Il sera temps de se battre quand le sultan viendra par ici. » Le danger représenté par les musulmans était devenu moins pressant : déjà expulsés de Sicile, ils étaient méthodiquement refoulés de la péninsule Ibérique. Bien que le tombeau du Christ fût à nouveau sous le contrôle de l’islam, la ferveur religieuse était retombée, de même que s’était dissipé l’espoir d’une colonisation facile et d’une fortune rapide qui nourrissait les rêves des petits seigneurs. De ce point de vue, Saint Louis n’était pas en accord avec son temps : les bourgeoisies marchandes avaient compris qu’on ne pourrait déloger ni contenir l’islam, mieux valait s’accommoder de son existence et entretenir des relations avec lui. Saint Louis ne partageait pas ce point de vue et voulut tenter une nouvelle fois l’impossible. Il commença à accumuler l’argent, les vivres et les armes dès 1267. En juillet 1270, il s’embarqua pour Tunis. Il croyait de son frère Charles d’Anjou, roi de Sicile, que l’émir de cette ville avait l’intention de se convertir au christianisme. Epuisé par la chaleur et le manque d’eau, le vieux roi mourut devant Tunis. On a longtemps cru qu’il s’agissait de la peste, mais il semble que ce serait plutôt d’une dysenterie. Avec cet ultime et dérisoire échec s’achève l’ère des croisades dont Louis IX incarne la dernière figure.
Les Croisades, les Plantagenets et les Cathares
La menace Plantagenêt (1137 - 1270) Philippe Auguste
Le règne de Philippe Auguste marque une grande avancée de la monarchie française. Son temps est marqué par un conflit contre l'Angleterre qui a renforcé ses possessions sur le royaume de France. Après la bataille de Bouvines (1214), La France est victorieuse de l'Angleterre et du Saint-Empire Germanique. A la fin du règne de Philippe Auguste, le royaume de France est le plus puissant d'Occident.
Philippe Auguste, le rassembleur
Après avoir consolidé son autorité au sein du territoire, la faible dynastie capétienne devait faire face à son plus puissant vassal : le roi d’Angleterre. C’est une première guerre de Cent Ans qui s’annonce. Mais à l’issu de ce premier bras de fer entre la France et l’Angleterre, le génie et la fougue de Philippe Auguste fera de la dynastie capétienne, une puissance forte et incontournable en Europe.
Louis VII le Jeune
Le règne de Louis VII le Jeune
Ce fils de Louis VI qui, en 1137, accède au pouvoir à l’âge de 16 ans, était un homme si religieux que sa femme, Aliénor d’Aquitaine, le surnomma « le moine ». Il démontra sa foi en participant activement à la deuxième croisade et en s’affirmant tout au long de sa vie comme le protecteur de l’Église. Mais il n’oublia pas pour autant les intérêts de la dynastie capétienne. En prenant systématiquement le parti de l’Église contre les seigneurs abusifs, il réussit à affermir son autorité dans tout le royaume et même à agrandir le domaine en direction de la Bourgogne et de l’Auvergne. Comme ses prédécesseurs, Louis VII a contribué à l’affaiblissement du pouvoir féodal. La France s’enrichit sous son règne, l’agriculture se transforme et gagne en productivité, la population augmente, le commerce et l’industrie se développent, une véritable renaissance intellectuelle apparaît, et le territoire se couve de châteaux forts construits en pierre. Enfin, malgré son peu de goût pour la guerre et malgré la puissance de son adversaire, il parvint à tenir tête au roi d’Angleterre, Henri II.
Suger, abbé de Saint-Denis
Dans l’entourage de Louis VI comme de Louis VII se trouvait un moine qui joua un rôle de premier plan et qui assura une sorte de trait d’union entre les deux règnes. Issu d’une famille pauvre, il fut confié très jeune aux moines de l’abbaye Saint-Denis, au nord de Paris, où il fut élevé en compagnie du futur roi Louis VI. Lorsque celui-ci monte sur le trône, Suger devint un familier du palais royal. Le roi chargea son ami de missions très importantes auprès du pape à Rome et le fit élire, en 1122, abbé de Saint-Denis, qui était alors l’une des lus grandes abbayes du royaume. Suger dirigea l’éducation du dauphin Louis. Quand celui-ci, devenu le roi Louis VII, partit pour la croisade, entre 1147 et 1149, il fut nommé régent du royaume. Jusqu’à sa mort, il œuvra au renforcement du pouvoir royal et à l’amélioration de la justice. Il conseilla aux deux souverains qu’il servit de s’appuyer sur les habitants, ou bourgeois des villes, contre les féodaux pillards et indisciplinés. Aux villes qui le demandaient furent ainsi accordées des chartes, où étaient consignés les droits concédés par le roi : la faculté de rendre la justice, de s’armer, de lever des impôts… C’est le début des communes. Vers la fin de sa vie, il écrivit la vie des deux rois et surtout se consacra à la reconstruction de l’église de Saint-Denis.
La naissance de l’art gothique
En 1144, l’abbé Suger inaugure le nouveau chœur de l’église abbatiale de Saint-Denis. Il voulait en effet rendre son abbaye digne des reliques qu’elle abritait, digne aussi de conserver les tombeaux des rois de France qui, depuis Dagobert, s’y faisait inhumer. Aussi fit-il appel à un architecte qui était partisan de techniques tout à fait nouvelles. La nouveauté des églises gothiques réside en la découverte de la croisée d’ogive (deux arcs se croisant à la clef de voûte). Ce procédé plus résistant permit d’élever la structure en hauteur et d’alléger le toit, afin de libérer aux fenêtres des surfaces considérables. Plus tard, lorsque la reconstruction de Saint-Denis fut achevée, Suger, légitimement fier de son œuvre, fit graver au bas d’un vitrail : « Moi-même, Suger, en ai dirigé les travaux ».
La deuxième croisade (1147 - 1149)
En 1144, les musulmans reprirent le comté d’Edesse (l’un des quatre états d’Orient fondé par les croisés). Le pape ordonna alors de former une nouvelle croisade. Elle fut prêchée par Bernard de Clairvaux, à l’assemblée de Vézelay (Bourgogne), en 1146. L’expédition fut conduite par le roi de France Louis VII et l’empereur germanique Conrad III. Les désaccords entre les chefs, le manque d’organisation et les erreurs militaires entraînèrent une série de revers des forces croisées. Après que ses troupes eurent été décimées à Dorylée, Conrad rentra en Allemagne. Louis VII, quant à lui était peu expérimenté pour mener la guerre, et il se heurtait bien souvent à la perfidie des byzantins. Les survivants rejoignirent Jérusalem, puis déclenchèrent une attaque contre Damas, sans pouvoir s’emparer de cette ville. La nouvelle de l’arrivée de renforts musulmans contraignit les chrétiens à lever le camp et à rentrer sans gloire en Europe. En deux années seulement, le prestige des armées croisées était tombé si bas que l’on pouvait penser que plus personne ne voudrait reprendre les armes.
Aliénor d’Aquitaine
Une des dernières mesures décidées par Louis VI le Gros, quinze jours avant sa mort, en 1137, fut de marier son fils avec l’héritière du riche duché d’Aquitaine, la belle Aliénor. En devenant la femme de Louis VII, elle permettait au roi de France de pénétrer dans une région où l’autorité royale était restée jusque-là purement théorique. A peine la dépouille de son père avait-elle été conduite à Saint-Denis que Louis VII se rendait à Poitiers pour se faire couronner duc d’Aquitaine. Ce mariage était un véritable coup de maître de la diplomatie de Suger. La dot de la jeune mariée permit de tripler le domaine royal, il y avait alors une partie du Midi et de l’Ouest de la France, soit 19 des départements actuels. La nouvelle reine apportait en héritage non seulement le duché de son père, mais aussi un peu de cette civilisation de la Guyenne, plus raffinée et plus brillante que celle du nord de la France. Ainsi, Aliénor aimait la musique, les fêtes et les chansons des troubadours, ces chanteurs-poètes qui allaient de château en château en célébrant la beauté des gentes dames. A l’inverse, Louis VII était timide, réservé et très pieux, ce qui s’accordait mal avec le caractère fort et sensuel d’Aliénor. Cette différence de caractère, de culture, s’ajoutant au fait qu’Aliénor ne parvenait pas à donner au roi l’héritier qu’il espérait. Cependant les dix premières années semblent se passer sans réelle mésentente.
Aliénor d’Aquitaine
”La grand-mère de l’Europe” comme on l’appelle aussi est également une femme distinguée et cultivée. Elle est à l’origine du premier code maritime de l’humanité. Ce code est connu sous le titre de “rôle et lois d’Oléron” et il régit les règles de navigation. Elle fit huit enfants à Henri II Plantagenêt, puis elle se retira à Poitiers à cause des infidélités de son mari. Tout en étant exceptionnelle, la vie d’Aliénor témoigne du comportement très libre des femmes au Moyen Âge, du moins dans les classes supérieures. Elle entretenait et répandait la culture occitane des troubadours et de l’amour courtois. Aliénor est aussi la grand-mère de Blanche de Castille, la mère de Saint-Louis.
Aliénor, reine d’Angleterre
Le conflit avec la France et l’Angleterre avait commencé après l’invasion du pays par le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant. Le riche duc, qui était le vassal du roi de France était alors roi d’Angleterre et l’un des hommes les plus puissants d’Europe. Sous son influence, le pays prospéra et se modernisa. En 1128, le comte d’Anjou, Geoffroy Plantagenêt (dû à son habitude de porter une branche de genêt à son casque) épouse Mathilde d’Angleterre, la descendante des rois normands qui possédait le duché de Normandie. Ainsi, leur fils Henri possédait le double héritage de ses parents. Pendant ce temps, le roi de France Louis VII est appelé à participer à la deuxième croisade, son épouse Aliénor d’Aquitaine l’accompagne alors. Les deux années qui suivirent détériora les relations du couple. Aliénor tenta en vain de convaincre son mari d’aider son oncle Raymond de Poitiers, qui siégeait à Antioche. Très proche de son oncle, la jeune reine est soupçonnée d’inceste par de nombreux chroniqueurs de l’époque dont Guillaume de Tyr. A son retour, Louis présenta un rapport de consanguinité au 5ème degré avec Aliénor, qui lui permit d’annuler le mariage en 1152. Deux mois plus tard, Aliénor épouse Henri II Plantagenêt qui devient roi d’Angleterre en 1154. Henri possède alors le trône d’Angleterre mais également la moitié de la France avec les possessions en Anjou et en Normandie de ses parents, mais aussi celles d’Aquitaine apportées par Aliénor. Cette grave faute politique est le début d’une rivalité continuelle entre la France et l’Angleterre. Pourtant le rapport de force entre le puissant roi d’Angleterre et le roi capétien paraît démesuré. Mais Louis VII peut s’appuyer sur l’Église, et sur le despotisme d’Henri II qui pousse ses vassaux et ses fils à se révolter contre lui.
Philippe II Auguste
L’avènement de Philippe II Auguste
Après la répudiation d’Aliénor, Louis VII épousa successivement Constance de Castille et Adèle de Champagne. Cette dernière lui donne un unique héritier mâle : Philippe. En 1179, il le fait sacrer roi à Reims, et épuisé par la maladie, lui abandonne le pouvoir. Louis meurt en 1180 juste après avoir signé le traité de Gisors avec Henri II d’Angleterre. Philippe II n’est alors âgé que de 15 ans. Il était alors marié avec Isabelle de Hainaut, une descendante de Charlemagne. La dynastie carolingienne, si elle a cessé de régner est encore présente dans le cœur des Français qui l’appelle “la race des grands rois”. Les cinq premières années de son règne, Philippe réussit à triompher de ses encombrants protecteurs, les comtes de Flandre et de Champagne, et à agrandir le domaine royal. Mais la grande affaire du règne fut bien sûr la lutte avec les Plantagenets. Louis VII, conscient de ses faiblesses militaires et de la puissance de son adversaire avait préféré la ruse au combat ouvert. Il avait soutenu la Bretagne et le Poitou contre le roi anglais, et surtout, il avait aidé les fils d’Henri qui réclamaient une part d’héritage du vivant même de leur père. Ainsi Louis VII réussit-il peu à peu à user la force de son rival. Son fils, Philippe, choisira une voie différente, en cherchant l’affrontement sur le champ de bataille. Mais lorsque le grand Richard Cœur de Lion succéda à son père en 1189, Philippe se trouva face à un redoutable adversaire. Il accepta cependant de prendre avec lui la tête d’une croisade en Palestine.
La troisième croisade (1189 - 1192)
Quarante années passèrent, pendant lesquelles chrétiens et musulmans vécurent souvent en bon voisinage. Beaucoup d’anciens croisés avaient épousé des femmes arabes et avaient adopté nombre de coutumes orientales. Les échanges commerciaux étaient très intenses entre les ports du Levant et ceux des côtes italiennes. Le plus important des personnages du monde musulman était alors le sultan d’Egypte, Salâh al-Dîn, dit Saladin, qui avait étendu sa domination sur une grande partie du Levant et établi de bons rapports avec les chrétiens. Mais la violation de ce statu quo par quelques seigneurs fanatiques ramena la guerre dans la région. Saladin battit les chrétiens à la bataille d’Attîn et entra en vainqueur à Jérusalem en 1187. La prise de la ville entraîna l’appel à la troisième croisade. Elle fut appelée la « croisade des rois » parce qu’à sa tête se trouvaient les souverains les plus prestigieux d’Occident : l’empereur Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Les armées réunies étaient très importantes. Mais à peine arrivé en Asie Mineure, Frédéric Barberousse se noya pour avoir traversé une rivière avec son armure. Les deux souverains survivants reprirent la ville de Saint-Jean d’Acre. Puis les événements prirent une autre tournure. Le roi de France n’avait qu’une seule hâte : retourner dans sa patrie et profiter de l’absence de Richard pour mettre la main sur les possessions françaises de ce dernier. Resté seul, le roi anglais accomplit des prodiges, mais il n’est plus en mesure de battre Saladin. Aussi conclut-il, en 1192, une trêve avec son valeureux adversaire. L’accord stipulait que Jérusalem restait aux mains des musulmans, qui s’engageaient en retour à protéger les pèlerins chrétiens se rendant dans la ville Sainte. De plus, les Francs conservaient les ports du Levant, ainsi que Chypre.
Siège de Saint-Jean d’Acre
Cette croisade est certainement l’une des plus célèbres. Le grand sultan Saladin était très respecté des chrétiens qui le considéraient comme le « reflet immaculé de la Chevalerie ». Face à lui, Richard Cœur de Lion, un redoutable guerrier, très endurant au combat. Le roi anglais a été immortalisé par les aventures de Robin des Bois.
La lutte contre le Lion
La raison officielle du départ de Philippe Auguste de la troisième croisade était sa santé. Après la prise de Saint-Jean d’Acre, le roi tomba malade d’une sort de typhoïde (il planait alors une rumeur d’empoisonnement par les Anglais). Mais ce départ anticipé n’était pas pour déplaire les ambitions de Philippe. Une fois rentré, le roi capétien profite de l’absence de son rival pour occuper le Vexin normand. Richard Cœur de Lion décide alors de rentrer pour défendre sa terre. Mais il est capturé et fait prisonnier de 1192 à 1193, par l’empereur germanique Henri VI, fils de Frédéric Barberousse. Cependant une fois libre, Richard inflige une série de défaites au roi de France. Philippe manque même de tomber dans une embuscade près de la forêt de Fréteval où il perdit son trésor et les archives de la couronne. Mais il démontra sa grande valeur notamment à Gisors, où à la tête d’un régiment de cavalerie, Philippe se trouva face à toute l’armée anglaise, le roi charge à la tête de ses troupes et manque de se tuer, il aurait déclaré « Non, je ne fuirais pas devant mon vassal ». Le conflit s’enlisa et s’équilibra, la guerre contre Richard fut marqué par de réelles atrocités, le pape intervint à multiples reprises en tant que médiateur. Ce n’est qu’après la disparition de Richard, mortellement blessé devant le château de Chalus en 1199, que Philippe put réaliser son ambition de reconquête.
Philippe Auguste, le rassembleur
A la mort de Richard, Philippe profita des erreurs commises par le frère cadet de celui-ci : Jean Sans Terre (ainsi appelée car il n’avait reçu aucun domaine). Le roi de France parvient même à le faire condamner par une cour de grands seigneurs du royaume : celle-ci décida que tous les fiefs des Plantagenets en France devenaient être confisqués. La prise de la forteresse anglaise de Château-Gaillard, véritable point stratégique, permet le rattachement de la Normandie et la Bretagne. Philippe put ainsi occuper en 1204, la Normandie, l’Anjou, le Maine, la Touraine et le Poitou. Jean Sans Terre n’eut de cesse de récupérer ses biens. Il parvient même à former une coalition très dangereuse, unissant contre le roi de France, l’empereur d’Allemagne et le comte de Flandre. Mais Philippe devança ses ennemis et battit successivement l’armée anglaise à La Roche-aux-Moines et celle de ses alliés à Bouvines. Ce succès lui permit de priver définitivement les Plantagenets de leurs possessions continentales, à l’exception toutefois de l’Aquitaine. Dans l’Europe entière, Bouvines auréola la monarchie française d’un prestige nouveau. Tellement occupé, Philippe ne peut participer aux quatrièmes et cinquièmes croisades qui sont des désastres. Sur sa lancée, Philippe agrandit encore le domaine royal en y adjoignant l’Auvergne, l’Artois, le comté d’Evreux, tandis que son fils Louis traversait la Manche, occupait Londres et tout l’Est de l’Angleterre sans coup férir. La mort de Jean Sans Terre, survenue sur ces entrefaites sauva la monarchie anglaise, les barons anglais se ralliant à leur nouveau roi, le jeune Henri III. Malgré cet échec, Philippe mérita pleinement son surnom d’Auguste, du latin augeo, « celui qui augmente ».
La prise de Château-Gaillard
La forteresse est construite par Richard Cœur de Lion en un an seulement : “Qu’elle est belle ma fille d’un an”. Le roi anglais s’est pour cela inspiré des châteaux syriens qu’il a vus au cours de la troisième croisade (Kraks de Terre-Sainte). Au bout de sept mois de siège, les Français provoquent l’écroulement d’une tour grâce à un ingénieux travail de sape (galerie souterraine). Les anglo-normands se regroupent alors dans la 1ère enceinte du château. Mais les soldats français parviennent à y pénétrer en passant … par la fenêtre des latrines. C’est avec l’appui d’une catapulte que les Français vont parvenir à s’emparer de la 2ème enceinte. Les assiégés seront pris avant d’avoir le temps de se réfugier dans le donjon.
La bataille de Bouvines 27 juillet 1214
Après la défaite de Jean Sans Terre à La Roche-aux-Moines, Philippe Auguste décida d’affronter l’empereur d’Allemagne Othon et le comte de Flandre. La rencontre des deux armées eut lieu en juillet 1215 sur le plateau de Bouvines, entre Valenciennes et Lille. Au cours d’une mêlée confuse, le roi de France est désarçonné et manque d’être capturé par les Flamands. Il ne doit son salut qu’à l’intervention de quelques chevaliers. L’empereur, à son tour, est assailli et s’enfuit en abandonnant son étendard. Mais la fureur française eut raison des fantassins teutoniques. Lorsque la nuit tomba, l’armée impériale était en pleine retraite. Philippe fit alors sonner les trompettes pour rappeler ses troupes, « qui rentrèrent au camp avec une grande joie ». Malgré sa confusion, la bataille de Bouvines fut une victoire incontestable dont le retentissement fut énorme dans le royaume et dans tout l’Occident. Le retour de l’armée fut triomphal. Dans les villages, les cloches sonnaient. On tendait des tapisseries sur les façades. A Paris, les bourgeois, les étudiants et le clergé se portèrent au-devant du roi en chantant des hymnes. Durant sept jours et sept nuits, on dansa dans les rues de la cité. Pour la première fois, le peuple ressentait comme sienne une victoire remportée par le roi et son armée.
Le royaume le plus riche d’Occident
Philippe Auguste ne passa pas sa vie à batailler. Il organisa l’administration du royaume en créant un corps de fonctionnaires chargés de faire appliquer ses ordres : les baillis ou sénéchaux. Il institua ainsi une administration forte et centralisée. Il lève l’impôt avec zèle auprès des seigneurs et du clergé afin de mener ses campagnes (la dîme saladine avait été créée pour financer la troisième croisade). Il organise la Justice autour de Parlement, et limite le pouvoir des seigneurs, en attribuant des responsabilités de haut-niveau à la bourgeoisie des villes, classe ambitieuse et efficace. Il veilla à l’embellissement de sa capitale, qu’il fit entourer d’une nouvelle enceinte : commencée en 1190, celle-ci fut achevée à la veille de Bouvines. Il protégea l’université, à laquelle il accorda en 1215 des statuts officiels, et fit construire une nouvelle résidence royale au Louvre. Philippe est un protecteur des arts et des lettres, c’est l’un des hommes les plus instruit de son temps. Poursuivant la politique de ses prédécesseurs, il s’appuya sur les bourgeois des villes contre les féodaux, contribuant ainsi à l’essor du commerce. A sa mort en 1223, la France était devenue le plus puissant royaume de l’Occident chrétien. Marié trois fois, Philippe est le père d’un unique fils issu de son premier mariage avec Isabelle de Hainaut. Ce dernier lui succède sous le nom de Louis VIII.
Les cathares
Entre le Xe et XIIe siècle, une mystérieuse « hérésie » fait son apparition dans le Midi de la France. Bientôt son expansion et sa menace sont telles que l’Eglise catholique est contrainte de mener une guerre à l’éradication de cette religion. Deux croisades seront menées par le royaume de France, il s’agit surtout pour le roi de France de dominer tout le Languedoc et l’Aquitaine. La lutte contre les cathares s’achèvera par la chute de la forteresse de Montségur en 1244.
Le contexte. La civilisation occitane
Au XIIe siècle, le sud-ouest de la France est une région bien différente de celle du nord de la Loire. On y parle une langue distincte (langue d’oc et non d’oïl) et une civilisation brillante et raffinée s’y épanouit. Se déplaçant de château en château, les troubadours, poètes et musiciens, chantent l’amour, mais aussi l’honneur et la négation du droit du plus fort. Ces idées et ces valeurs sont très présentes dans une région où les gens cultivés, surtout dans les villes, ont gardé vivants les souvenirs de la civilisation romaine. Des règles, des lois et des codes limitent le pouvoir des grands et régissent les rapports qui les unissent à leurs vassaux et à leurs sujets. Tandis qu’en Île de France, le roi se bat à cheval et s’impose de diverses manières à ses vassaux récalcitrants, dans les villes du Midi languedocien et aquitain, les habitants élisent des consuls ou des capitouls qui gouvernent et parlent d’égal à égal avec les seigneurs dont ils dépendent. Plus libres, les villes du Midi sont aussi les plus accueillantes aux idées étrangères : leur importante activité commerciale (Toulouse est la troisième ville d’Europe) les met en relation avec de nombreux pays. Les commerçants qui y échangent des denrées et des biens, y puisent des idées qu’ils propagent ensuite vers l’Occitanie.
L’origine de la religion cathare
C’est dans ce milieu que se répandit une religion nouvelle dont le succès fut si rapide qu’il effraya l’Église catholique. Cette dernière fut en partie responsable de cet extraordinaire essor : critiquée de toutes parts et incapable de se réformer, elle prépara le terrain sur lequel le catharisme put s’enraciner. Bien avant l’apparition de la religion cathare, de nombreux moines avaient prêché la révolte ouverte contre l’Église, ses prêtres et ses sacrements : l’exigence entre une plus grande simplicité dans la relation des hommes avec Dieu, d’un retour à une foi moins prisonnière du cadre luxueux dans lequel l’avait enfermée l’Église, étaient des revendications très largement répandues à l’époque. Mais le catharisme était bien plus qu’un mouvement de simple critique; il était aussi et surtout une religion différente du catholicisme romain. La tradition qui le nourrissait était très ancienne puisqu’elle s’était développée à partir du VIIe siècle avant J.-C., autour d’un personnage important de l’Antiquité, le prophète perse Zoroastre. Ce dernier pensait qu’il existait dans l’univers deux principes irréductibles, le Bien et le Mal, en lutte permanente l’un contre l’autre. Les idées de Zoroastre eurent une influence considérable pendant toute l’Antiquité et elles furent, dans leurs grandes lignes, reprises au IIIe siècle après J.-C. par le prophète Manès, fondateur de la doctrine manichéenne. Au Xe siècle, en Bulgarie, cette doctrine donna naissance aux bogomiles (De Bogomile, le fondateur de la secte), qui avaient repris les idées religieuses des conceptions manichéennes. Par la suite, on a souvent établi un lien de filiation entre le catharisme et le bogomilisme, cependant, ce lien est aujourd’hui contesté. Si ces deux doctrines sont très proches, il semble que le catharisme soit directement issu du christianisme et des doctrines marcionistes (de Marcion) et gnostiques. Le catharisme est en effet le fruit d’un travail scripturaire, proposant une interprétation différente des évangiles, rejetant notamment tous les sacrements de l’Église catholique (baptême d’eau, eucharistie, mariage, etc.).
L’essor de la religion cathare
La religion cathare tire son nom du terme grec catharos, qui signifie pur, car elle donne comme but à l’homme d’atteindre la pureté parfaite de l’âme. Pendant la durée de sa vie terrestre, considérée comme une épreuve, l’Homme doit s’efforcer, par une conduite appropriée, de rompre avec la matière, le monde physique et les besoins grossiers. Pour les cathares, qu’on appelle aussi albigeois (de la région d’Albi), tout cela représente le Mal auquel est opposé le Bien, c’est-à-dire l’âme purifiée, ignorant les désirs du corps. Ceux qui parviennent à purifier leur âme se reposent à jamais dans le Bien après la mort. Les autres doivent se réincarner indéfiniment. Pour les cathares, la mort n’était pas redoutée car elle pouvait signifier la délivrance. Ce mépris de la mort leur donna l’énergie nécessaire pour combattre le roi de France et le pape. Dès 1147, des moines furent envoyés pour redonner la raison aux albigeois, mais tous échouèrent. La dernière tentative fut celle de saint Dominique (fondateur de l’ordre des Dominicains), mais il n’obtint qu’un succès limité. Le pape en vint progressivement à penser qu’il fallait mener contre eux une guerre sainte. La rupture entre cathares et catholiques fut totale en 1208 lorsque le légat du pape fut assassiné.
Croyants et Parfaits
Les cathares et ceux qu’on appelait « Parfaits » ou « Bonshommes », qui jouaient en quelque sorte le rôle de prêtres, devaient observer des règles très strictes. Ils étaient astreints à jeûner fréquemment, et une série d’aliments leur étaient défendus en temps ordinaire. Ils ne construisaient pas de temples, ils priaient et prêchaient n’importe où, chaque fois que la possibilité s’en offrait. Ils rejetaient tous les sacrements à l’exception du Consolamentum. Elle concernait les croyants désireux de devenir Parfaits (sorte de baptême). Le croyant s’engageait à respecter les règles propres aux Parfaits : ne plus mentir, ni jurer, ne plus avoir de relations sexuelles, régime alimentaire très strict… Recevant l’accolade de ses initiateurs, qui s’agenouillaient ensuite devant lui, le nouveau Parfait était censé sentir descendre sur lui l’Esprit saint. Tant qu’ils purent afficher librement leurs opinions, les cathares s’habillaient de préférence en noir. Après la répression, ils se contentaient de dissimuler une ceinture noire sous leurs vêtements ordinaires.
La lutte contre les cathares
La première croisade contre les albigeois (1209 - 1218)
L’assassinat de son légat amena le pape à lever une croisade contre les hérétiques. Le roi de France, Philippe Auguste, répondit à l’appel et laissa ses plus puissants vassaux, le duc de Bourgogne, les comtes de Montfort et de Saint-Pol prendre la tête de l’armée. Ce sont 300 000 croisés qui descendirent dans la vallée du Rhône. Le comte de Toulouse, Raymond VI, soupçonné d’avoir encouragé le meurtre du légat, s’était rallié à l’Église et s’était croisé contre ses propres sujets. L’armée des croisés mit le siège sur la ville de Béziers, une ville solidement fortifiée. Cependant les habitants, forts de ce sentiment de sécurité, assaillirent les campements qui se tenaient aux pieds des murailles. Les ribauds (mercenaires et chevaliers recrutés pour l’expédition) profitèrent que les portes des remparts étaient ouvertes pour se frayer un chemin à l’intérieur de la cité et pour y faire pénétrer ensuite une partie de l’armée. Aux soldats qui se demandaient comment faire pour distinguer, dans la population, ceux qui étaient hérétiques de ceux qui étaient fidèles, l’abbé de Cîteaux, Arnaud Amaury, répondit par cette phrase terrible : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens! » La mise à feu du Languedoc commença : la ville fut incendiée et ses habitants, massacrés. Après Béziers, ce fut le tour de Carcassonne où l’armée s’annonça à la fin du mois de juillet 1209. L’âme de la résistance de la ville fut le jeune vicomte Roger de Trencavel. Le siège dura trois semaines, les assiégeants avaient privé la ville d’eau, obligeant les assiégés à parlementer. Trencavel qui était venu parlementer fut fait prisonnier par les croisés, rompant ainsi le code d’honneur de la chevalerie. Simon de Montfort, un chevalier croisé dont le courage avait été remarqué, fut choisi pour succéder aux biens de Trencavel. Cependant, ses sujets lui étaient naturellement hostiles. Aussi, jusqu’à sa mort, en 1218, il fut constamment en guerre contre ses sujets récalcitrants.
Simon de Montfort, vainqueur et vaincu
A l’issue de ces sièges longs et éprouvants, les croisés victorieux offraient la vie sauve aux hérétiques acceptant de renier leur foi, mais ils étaient bien peu nombreux. Par le fer, le feu et le sang, la croisade continuait, mais l’enjeu devenait chaque jour plus clair, il s’agissait pour les seigneurs du Nord de maîtriser le Midi. Le comte de Toulouse et le roi d’Aragon finirent par s’en inquiéter et, en 1213, ils unirent leurs forces pour attaquer Simon de Montfort au château de Muret. L’assaut tourna court malgré l’avantage numérique, Pierre d’Aragon fut tué, et Raymond VI dut se replier dans sa ville de Toulouse qui fut par la suite investie par l’armée de Simon de Montfort. Mais le peuple gardait une fidélité profonde et préférait aller au bûcher en chantant plutôt que de renier sa foi. Lorsque Raymond VI et son fils Raymond VII revinrent d’Angleterre où ils s’étaient réfugiés, ils furent accueillis avec beaucoup d’enthousiasme. Une émeute populaire avait chassé les chevaliers français de la ville de Toulouse. A cette nouvelle, Montfort accourut aussitôt pour mettre le siège dans la ville, c’est là qu’il fut tué en 1218. Sa mort fut accueillie par des cris de joie : les cathares voyaient disparaître le plus cruel de leurs ennemis.
Simon de Montfort
Chef de la croisade contre les albigeois, il mena cette guerre avec courage et cruauté. Il s’était déjà illustré pour sa bravoure au cours de la quatrième croisade. Il représente le « puritanisme du nord ». Il est le parfait opposé de son ennemi, le comte Raymond VI de Toulouse, symbole du « méridional libertin ». Ils sont le modèle du choc des deux cultures en présence.
La seconde croisade contre les albigeois (1226)
En 1224, de nouvelles menaces se précisèrent sur le pays occitan. Le nouveau roi Louis VIII va se montrer plus implacable encore que son père Philippe Auguste. En 1226, alors que les seigneurs et comtes du Midi se voyaient réinstallés sur leurs terres, une seconde armée croisée allait déferler sur le Languedoc, avec le roi de France en personne à sa tête. La plupart des villes s’effondrèrent ou se soumirent assez facilement. Seul Avignon opposa une âpre résistance de trois mois. La mort de Louis VIII sauva Toulouse d’un nouveau siège, mais les redditions successives de ses vassaux finirent par convaincre Raymond VII qu’il valait mieux capituler. Par le traité de Meaux, signé en 1229, le comte de Toulouse s’engagea à demeurer fidèle au roi et à l’Eglise catholique, à mener une guerre intraitable contre les hérétiques et à marier sa fille unique au frère du nouveau roi de France, Louis IX, afin de préparer le rattachement du Languedoc à la France. Après la signature du traité et le retour de Raymond VII à Toulouse, le tribunal d’Inquisition fut créé et confié à une poignée de Dominicains. Jouissant d’un pouvoir sans limites, les inquisiteurs sillonnèrent le Midi pour débusquer les hérétiques. Mais ces mesures ne suffirent pas à étouffer l’aspiration du Midi à croire et à gouverner comme il l’entendait. Une seconde révolte secoua la région après l’assassinat, en 1242, des juges du tribunal de l’Inquisition par des chevaliers cathares.
Bataille de Muret
La bataille de Muret, le 12 septembre 1213 fut un tournant dans la lutte pour le Midi occitan, à l’avantage de l’armée royale.
La prise du château de Montségur
Une paix définitive fut signée à Lorris en 1243 entre le roi de France et le comte de Toulouse. C’était la fin de l’Occitanie indépendante et surtout du catharisme. Pour leur porter le coup de grâce, il fallut cependant prendre la forteresse de Montségur, symbole du refus de l’autorité royale, où s’était réfugiés 400 croyants de la religion cathare. La position de la forteresse (un pic dominant de plus de cent mètres des terres voisines) donnait un sentiment de confiance immense aux assiégés. Durant une année, ils défièrent avec succès l’autorité du roi et du pape. Les 10 000 soldats engagés dans le siège ne pouvaient que constater l’inefficacité des boulets que catapultaient les pierrières contre les remparts. Cependant, une nuit de juillet 1244, grâce au renfort d’un groupe de montagnards habitués à l’escalade et connaissant parfaitement les lieux, les assiégeants réussirent à pénétrer dans la place par surprise et parvinrent à obtenir sa capitulation complète. Ne disposant plus d’aucun refuge sûr, pourchassés par les inquisiteurs, les derniers cathares vécurent comme des bêtes traquées, suscitant parfois de brèves révoltes. Les Parfaits survivants émigrèrent en Catalogne, en Sicile et en Lombardie. Ainsi disparaissait la culture la plus raffinée de l’époque : la civilisation occitane issue du mythe de la chevalerie, de l’honneur chevaleresque et de l’amour-courtois, honorée par les troubadours.
Montségur, forteresse imprenable
Montségur n’était pas un château comme les autres. Les architectes qui le construisirent eurent le souci d’édifier une bâtisse aisément défendable. Mais ils eurent également la volonté de construire un véritable temple de la religion cathare. Ainsi, l’orientation de l’édifice n’était pas simplement due au hasard : ses principaux axes se situaient dans l’alignement des points qui signalaient à l’horizon les endroits où se lève et se couche le Soleil à certaines époques de l’année (équinoxes et solstices). Le Soleil tenait un rôle important en tant que symbole de la Lumière et du Bien dans la religion cathare. Montségur est devenu aujourd’hui un symbole de la renaissance occitane.
Le trésor des cathares
Après la chute de Montségur, de nombreux cathares émigrèrent en Italie. C’est là qu’ils ont sans doute transféré leur trésor. Il s’agit peut être du vieux trésor wisigoth d’Alaric, caché dans les environs de Carcassonne. Cependant, au début du XXe siècle, près de Rennes-le-Château, l’abbé Béranger Saunière fait des dépenses exubérantes sans que l’on sache d’où venait sa fortune. Une chose est sûre, ce curé a trouvé un trésor. Pourrait-il s’agir du trésor des cathares ? N’oublions pas que lors du siège de Montségur, une poignée d’assiégés s’enfuirent du château pour une destination mystérieuse